Atelier Galerie Attia à Saint-Pair-sur-Mer
©Galerie Attia
Une artiste de la mémoire et de la matière à Saint-Pair-sur-Mer

Véronique Attia

Portrait d'une artiste saint-pairaise

À quelques pas de la mer, se trouve l’atelier de Véronique Attia, une maison saint-pairaise, centenaire, où tour à tour chapellerie, maison de thé, salon de coiffure et petits commerces ont élu domicile. L’artiste y installe son atelier en 2015 à quelques pieds sous terre, une cave en silex, chargée pour elle de résonances telluriques et symboliques.

Par Nathalie Thébault

Rencontre

Depuis quand êtes-vous installée à Saint-Pair-sur-Mer ?

Il y a eu un premier atelier en 2011 : un petit local face à la mer, l’endroit où se trouve aujourd’hui Le Rayon Vert.

Puis, en 2015, cette maison, recouverte d’émaux noirs de Briare, qui me sert de lieu d’exposition et de travail depuis maintenant 10 ans.

Pourquoi avoir choisi ce territoire ?

La terre et la mer à portée de main, juste une petite dose d’authenticité en rupture avec le formatage qui se généralise, cela me convient bien.

Et puis, ici, les gens sont accueillants, ouverts, parfois curieux – au bon sens du terme. Mon atelier me réserve toujours des rencontres inattendues et magnifiques qui me remplissent de joie.

Je me sens chanceuse d’être ici. La puissance de la mer, les variations de lumière et le rythme paisible de la vie me donnent l’élan pour créer.

Lorsque mes œuvres suscitent un écho, une émotion, qu’elles quittent mon atelier pour d’autres maisons, tout prend alors pleinement son sens. À travers l’art, on touche l’âme des personnes.

Parcours artistique

Comment êtes-vous venue à la création ?

Les prémices de mon adolescence sont marquées par des rencontres décisives : les jeunes gens que je fréquente écrivent de la poésie, peignent, cherchent à se distinguer, d’une façon ou d’une autre, de ce monde ordinaire dans lequel nous vivions. Premières émotions face à la beauté des mots, des signes, des couleurs, des récits mythologiques, préhistoriques ! Je commence à faire mes premières toiles et encres dans ma chambre qui me sert de refuge.

Mon attrait pour la littérature m’engage vers des études de Lettres Modernes, suivi d’une tranche de vie de 5 ans à Alicante.
Je découvre alors les grands auteurs de la littérature espagnole et sud-américaine… Cet héritage ne cesse d’alimenter encore aujourd’hui mon imaginaire.

La peinture, je l’ai reprise assez tard. Il me fallait du temps, de l’espace, un retour à l’intime. Quand ma vie professionnelle et familiale m’en a laissé l’opportunité, je m’y suis consacrée pleinement. J’ai vite compris que j’avais besoin de chercher seule, d’explorer par moi-même. Cela a forgé une démarche très personnelle.

Art mémoriel

Comment définiriez-vous votre travail artistique aujourd’hui ?

Un « art mémoriel », ce serait peut-être la définition qui collerait le mieux, en lien avec ma propre histoire. Depuis l’enfance, une mémoire que je n’ai pas vécue m’accompagne : celle héritée de mon père, contraint de quitter l’Algérie. Cette nostalgie, transmise en silence, nourrit mon travail.

Je découvre, dans des matériaux anciens et oubliés – toiles, dentelles, tulle, chutes textiles – la possibilité d’une renaissance et d’une reconnexion avec le passé. Je ne me considère pas comme une artiste de la récup’. À bien y réfléchir, je travaille avec peu de matériaux. Mon atelier est loin d’être la caverne d’Ali-Baba !

Mes tissus sont des fragments, porteurs de gestes oubliés, de dépôts involontaires, devenus pour moi reliques d’un quotidien effacé, une sorte de mémoire pré-verbale tissée dans la matière qui ne demande qu’à émerger sous forme de récits. De même, conserver la teinte de la première cuisson de l’argile, évocatrice des fossiles et de la poussière, participent de cette quête des origines.

Assemblage

Vos œuvres semblent habitées, à mi-chemin entre sculpture, peinture et poésie…

Ces dernières années, je suis passée de la peinture mêlée au collage de textiles à la réalisation de sculptures en terre cuite parées de tissus marqués par le temps. L’assemblage est devenu une évidence. L’argile m’a permis aussi d’insuffler à la fois plus de fragilité et de force à mes personnages.

Par touches infimes, j’essaie de sublimer les “restes” du quotidien pour en faire une esthétique de l’usure et du sacré. Mon travail est une forme de résistance poétique à l’oubli. Il convoque des récits enfouis, des fragments de mémoire, proches du mythe ou du symbole.

Et demain ?

Mon parcours m’a conduite à participer à de nombreux salons tels que le Salon d’Automne (Paris), Art en Capital (Grand Palais), ou encore le Salon des Beaux-Arts (Carrousel du Louvre), tout en poursuivant un travail de diffusion à l’échelle nationale et internationale (Tokyo, Pékin, Tel Aviv, Tunis, Maroc, Jersey…).

Je suis très reconnaissante également du soutien et de l’engagement de certaines personnes qui ont mis en lumière mon travail à travers différentes expositions, et avec lesquelles le dialogue continue encore aujourd’hui.

J’attache de l’importance à l’espace d’exposition qui doit être en résonance avec ma démarche artistique, et demeure à l’écoute de propositions allant dans ce sens.

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